lundi 3 mars 2014

CHARLES, COMME SI C’ÉTAIT HIER …par Michel Michaut Moussala

Autant la profession nous aura permis de nous rapprocher, autant le courage qui aura été le tien me laisse sans voix, suite à ton décès subit. Néanmoins, le souvenir plutôt vivace de ton éloquence et de ta verve à dénoncer toutes formes d’injustice, démontrent à suffisance que ton décès constitue une grande perte pour le Cameroun tout entier et singulièrement la profession qui est la nôtre et malheureusement en mal de repères de ta dimension. A titre d’illustration, le débat télévisé du 24 novembre 2013 qui nous réunit sur le plateau d’une des chaînes locales me permit de me faire une idée plus nette de la vision qui aura été la sienne : dénoncer avec la dernière énergie les tares du régime à l’origine des clivages au sein des différentes strates sociales de la République. Clivages qui selon toi, alimentent frustrations et velléités contestataires exacerbées porteuses d’implosion sociale latente. Bien évidemment, toutes ces dénonciations t’auront valu d’être le mal-aimé dans le sillage du pouvoir, surtout que tu te seras démarqué de l’avilissement ambiant de ces intellectuels pouvoiristes et opportunistes à souhait qui ont littéralement bradé la logique élémentaire à l’autel des compromissions en tous genres au détriment de l’intérêt général. Et un peu à l’image du Christ, tu auras ainsi été honni, par ceux qui eurent du mal à appréhender l’essence de ton message qui, sans être divin s’est de tout temps voulu prospectif pour un avenir meilleur pour le Cameroun que tu chérissais tant.

Qu’importe, la brièveté de ton existence terrestre me renvoie une fois de plus au Christ dont les paroles transcrites dans la Bible, continuent d’en perpétuer l’œuvre aux relents de combat acharné pour la liberté individuelle et collective de tes compatriotes. Et comme tout bon combattant, tu as fait sacrifice de ta vie pour exalter le bien fondé et surtout la préséance de la vérité en tous points de vue. Du coup, que d’aucuns célèbrent ton décès au champagne traduit au mieux le fait pour eux d’avoir été à l’étroit par la pertinence des dénonciations à leur encontre. Un peu à l’instar de certains de nos adversaires qui, au plus fort de notre condamnation en 1993, ne s’offusquèrent guère d’annoncer mon musèlement définitif. Or, je me serai attendu qu’une telle attitude suscitât plutôt un resserrement des rangs autour de ma modeste personne, notamment de la part de mes frères du Grand Mbam. Mais au lieu de cela, ce sont prioritairement les élites de ce que j’avais alors considéré comme mon giron de prédilection qui servirent littéralement de tremplin pour ma perte. Comme pour dire qu’incompris dans les régions du centre et du sud desquelles tu te réclamais, tu auras néanmoins réussi à fédérer de nombreux compatriotes dans leur quête de liberté, au même titre du reste que Um Nyobe, Ossende Afana et bien d’autres en leur temps. Car, quand bien même les contextes diffèrent, tous vous aurez œuvré à votre manière à la conscientisation des Camerounais, question de leur faire abandonner cette couardise qui les a rendus stoïques.
Et fort de ce qui précède, même mort tu continues de hanter bien d’affidés du régime qui savent que l’héritage que tu as légué à la postérité a germé et peut produire davantage qu’une vingtaine d’Ateba Eyene Junior qui perpétuera ton œuvre. Surtout qu’ils ne sauraient avoir la vie éternelle en pensant qu’il aurait suffi d’écourter la tienne pour assouvir leur sombre dessein : alimenter ad vitam aeternam le règne de l’arbitraire, du népotisme, du clientélisme et de l’avilissement inhibiteur des masses populaires que tu auras toujours défendues. Aussi en viens-je à les mettre en garde de ce que, comme les combattants qui t’auront précédé, tu as inéluctablement inscrit ton nom au Panthéon de notre histoire récente. Et comme ce n’est que plus tard que tes adversaires de ton vivant percevront la pertinence de tes prises de position mais aussi et surtout de ton discours et de tes écrits. Et sur ce plan singulier, ta prolixité démontre à suffisance que la quasi-totalité des préoccupations de tes concitoyens auront été les tiennes au point de léguer de véritables recettes pour s’en tirer à bon compte. Là se trouve inéluctablement la matérialisation de ta grandeur d’âme qui te permit de braver intimidations, injustices et autres artifices d’aliénation de ta conscience. Ce qui n’est malheureusement pas donné à la majorité des intellectuels de ta trempe. Car si cela était, il y a bien longtemps que notre pays aurait amorcé ce changement auquel aspirent tous tes compatriotes sans exclusive.
Au total, sans le vouloir tu as rejoint le rang des héros de la liberté. Un statut que nous devons immanquablement à ton courage, mais aussi et surtout à ta témérité de faire jaillir la lumière dans l’obscurité opaque dans laquelle nous maintiennent malheureusement la classe dirigeante et ses excroissances multiformes. Toutes choses qui me dictent cette réflexion faisant davantage office de témoignage, pour exalter l’impératif d’adoption de cette vision que tu as toujours défendue, pour l’avènement d’un Cameroun meilleur non plus uniquement pour nous, mais davantage pour la postérité. Mais saurons-nous capitaliser ton inestimable richesse et le faire fructifier dans le sens qui t’animait ? Si la réponse à cette interrogation se veut difficile à souhait, il y a tout de même lieu à espérer qu’une bonne frange de tes compatriotes s’essayeront à y apporter la meilleure des réponses afin de se réconcilier enfin avec toi, notamment ceux qui croient aujourd’hui célébrer ton décès comme une véritable délivrance. Reposes en paix et que la terre de nos ancêtres te soit légère, selon la formule consacrée.
Comme pour dire qu’incompris dans les régions du centre et du sud desquelles tu te réclamais, tu auras néanmoins réussi à fédérer de nombreux compatriotes dans leur quête de liberté, au même titre du reste que Um Nyobe, Ossende Afana et bien d’autres en leur temps. Car, quand bien même les contextes diffèrent, tous vous aurez œuvré à votre manière à la conscientisation des Camerounais, question de leur faire abandonner cette couardise qui les a rendus stoïques.

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