« Yaoundéens, pourquoi restez-vous là à regarder le Ciel ? ».Cette question s’est posée à nous hier dans la nuit, la vingtaine que nous étions au CHU de Yaoundé. Claude Abé, Joseph Marie Eloundou, Boris Bertholt, Rodrigue Tongué, Serge Aimé Bikoï, Eric Boniface Tchouakeu, Abel Olinga mais aussi des centaines de jeunes accourus des quartiers les plus proches. Charles Ateba Eyene, notre Tara, la petite appellation dont il nous gratifiait tous a rendu son dernier souffle.
Hier dans la nuit réunis, non pas pour une dernière émission, pour un dernier regard peut-être? Nous regardions tous vers le ciel pour ne pas nous regarder, pour ne pas réaliser que Charles est mort, qu’il nous a tous plantés là, amis de longue date comme ceux de la vieille.
C’est Claude Abé qui a brisé le silence en nous disant « mais que faisons-nous ici ? Charles est parti et il est en paix, il est mieux que nous ici. » Abel Olinga voulait bien passer la nuit à la belle étoile, Rodrigue Ntongué ne savait pas trop bien quoi dire, nous voulions nous donner de l’assurance les uns aux autres, nous consoler peut-être aussi. Cette question visait à nous faire réaliser une fois pour toute que nous ne verrons plus jamais Charles debout du haut de ses 1, 65 m. Je l’ai pourtant vu tout au long de la semaine et rien ne m’orientait vers une disparition aussi brutale. Charles est parti après avoir trompé la vigilance de tous, seul dans sa chambre, il n’a pas permis que nous pleurions sur son corps chaud avant qu'il ne devienne froid. Roger Kiyeck de Kiki qui nous a tous réunis, Pascal Charlemagne Messanga Nyamding l’ami de toujours, Martinez Zogo le confident, Owona-Nguini pour lequel je l’avais vu dans la semaine afin de préparer les obsèques de la maman (la maman de Mathias Eric Owona Nguini).
Et tous ces jeunes qui à 23h bloquent mon véhicule et m’obligent à échanger avec eux – ils pleurent toutes les larmes de leur corps. Ils me semblent vraiment sonnés par cette soudaine disparition. Je crois que si nous restons devant cet hôpital c’est parce que nous sommes tous tétanisés devant ce qui arrive. Charles ne sera plus jamais physiquement avec nous. Mais comment cela est-il possible ? La mort chacun de nous peut intellectuellement la concevoir et l’appréhender. Oui quelque chose est bien fini, quelque chose de ce que nous avons aimé. Mais c’est quoi cette chose à laquelle nous n’arrivons pas à donner un nom ? Intellectuellement nous comprenons que ce corps inerte est l’absence de la vie donc présence de la mort, Charles est tout froid mais nous aimerions qu’il soit avec nous à la radio samedi et dimanche et qu’à la fin on achète des soya, qu’il prenne son coca-cola et qu’il mange son pain en distribuant des « tara » à tout le monde. Charles à quelle heure es-tu parti exactement ? As-tu pensé un seul instant à tes enfants ? Ils n’avaient plus qu’un seul parent en vie depuis le décès accidentel de leur maman...
Charles comment veux-tu que l’on tourne ta page alors que tu n’as préparé personne à ce départ ? Ceux et celles qui pleurent aujourd’hui sont faits de chair, ceux qui pleurent le font parce qu’ils t’aiment et quand on aime on a du mal à laisser partir voilà pourquoi nous oublions de partir de l’hôpital. « Yaoundéens, pourquoi restez-vous là à regarder le Ciel » ? Les Yaoundéens ce sont tous ceux qui te pleurent aujourd’hui et nous découvrons que tout cela (ta présence, ta parole) était tellement beau pour que tu passes aussi vite qu’une étoile. Charles tu es parti fier voilà pourquoi occasion ne nous a pas été donnée de t’assister sur ton lit de malade, il ne nous a même pas été permis de te fermer les yeux sur notre monde et de t’aider à traverser de l’autre côté ! Puisse ton départ nous servir de leçon aujourd’hui et demain.
Vincent-Sosthène FOUDA
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire